Un rêve de gamin, un rêve de toujours ! Habitant depuis ma naissance dans la chaine de montagnes des Alpes Françaises, l’ascension du sommet du Mont Blanc est un projet lointain que je rêve d’accomplir. Sommet magistral, toit de l’Europe Occidentale, point culminant de la France et des Alpes (4810 mètres d’altitude), le Mont Blanc représente un véritable symbole et est un sommet mythique pour les alpinistes et montagnards du monde entier. Je me rappelle l’admirer depuis tout petit, que ce soit l’hiver lors de mes entraînements en ski alpin lorsque j’étais licencié au ski club de compétitions à Valmorel, où lors de mes randonnées le reste de l’année avec mes parents, sur les sommets de la vallée de la Tarentaise. Le Mont Blanc est également un sommet essentiel à réussir avant de partir gravir des plus hauts sommets dans le reste du monde. Et une chose est certaine : je rêve depuis toujours de l’Himalaya et de ses immenses montagnes.
En forme physiquement et en pleine progression en athlétisme grâce à mes entraînements au club de l’ASA Aix-les-bains depuis septembre 2009, je décide en fin d’année (décembre 2009) de me lancer dans cette aventure et ce défi. Mon père, passionné de montagne, grand skieur depuis sa jeunesse, est également partant ! Nous voilà partis pour une superbe aventure père-fils et pour plusieurs mois de préparation physique, avec au programme les ascensions de différents sommets dans les Alpes pour améliorer notre acclimatation et notre capacité à faire du sport en haute-montagne.
D’un point de vue personnel, je décide de ne pas changer mon entrainement en course à pied. Je ferai du cross court l’hiver en compétition, je ferai ma saison de demi-fond sur piste au printemps, je continuerai à m’entraîner avec le club d’Aix-les-Bains, et je ferai quelques sommets au printemps pour m’acclimater correctement. Val Thorens sera un lieu idéal pour s’habituer tout doucement à l’altitude, mon père étant directeur des pistes de la station. En forme et ayant réussi en ski de randonnée le sommet du Grand Pic en Lauzière (alt 2829m), le sommet du Gand Bec au-dessus de Champagny en Vanoise (alt 3398m) et le sommet de la Cime Carron (Val Thorens, 3195m) en fin d’hiver 2010, nous décidons au printemps de gravir le Mont Blanc en mai ou juin, en fonction des conditions météorologiques. Avec un pari et un objectif bien précis : réussir le sommet en 1 jour seulement, départ de Chamonix le matin même, et en escaladant le Mont Blanc par la voie et l’itinéraire des 3 Monts ! Il existe de nombreuses voies d’ascensions pour réussir le sommet, dont les principales sont la Voie royale ou Arête des Bosses (par l’intermédiaire du refuge du Goûter, considérée comme la voie la plus rapide et la plus facile), la voie des 3 Monts (départ de l’Aiguille du midi avec enchainement des 3 Monts), et la voie historique par les Grands Mulets (départ du plan de l’Aiguille pour passer sous la face nord de l’Aiguille du midi en direction du refuge des Grands Mulets).
Nous avons choisi avec mon père de gravir le Mont Blanc par la voie des 3 Monts, et nous serons en ski de randonnée pour la montée et pour la descente (que nous ferons par la face nord du Mont Blanc). Cet itinéraire consiste à partir de l’Aiguille du Midi (alt 3842m) pour se poursuivre par l’ascension de l’épaule du Mont Blanc du Tacul, l’ascension du Mont Maudit, passer aux Rochers Rouges et enfin gravir la pente sommitale du sommet du Mont Blanc. Grosse difficulté en plus dans notre projet : nous partirons de Chamonix le matin même par la première benne du téléphérique de l’Aiguille du Midi, donc sans dormir au refuge des cosmiques. L’ascension va être éprouvante mentalement et physiquement, mais nous sommes prêts et plus motivé que jamais ! Un ami de longue date, habitant Doucy-Combelouvière, Jean-Mi DELOMIER, guide de haute-montagne, nous accompagnera et nous guidera dans ce périple.
Mont Blanc : ascension du Roi d’Europe (4810 mètres d’altitude) en ski de randonnée par l’itinéraire des 3 Monts
- Date : mai 2010.
- Durée : 6h15 minutes de montée environ et 1h50 minutes de descente (à peu près).
- Météo : très bonne. Grand soleil. Nous n’avons pas du tout eu froid.
- Dénivelé : 1800 mètres de dénivelé positif et négatif environ. Circuit d’une longueur de 22,3 kilomètres de distance.
- L’équipe du jour : mon père, Jean-Michel et moi.
- Massif : massif du Mont Blanc, département de la Haute-Savoie.
- Itinéraire d’ascension : départ de la gare d’arrivée du téléphérique de l’Aiguille du Midi (alt 3842m) – Refuge des Cosmiques (alt 3613m) – Épaule du Mont Blanc du Tacul (alt 4000m) – Épaule du Mont Maudit (alt 4300m environ) – Col de la Brenva (alt 4303m) – Les rochers rouges – Sommet du Mont Blanc (alt 4810m) – Descente par la face Nord – Intermédiaire du téléphérique de l’Aiguille du Midi – Retour au point de départ.
- Carte IGN : TOP 25 série bleue, référence 3630 OT et 3531 ET.
- Accès départ : il faut tout simplement pour faire cette sortie de ski alpinisme rejoindre la gare de départ du téléphérique de l’Aiguille du midi, à l’adresse postale « 100 Place de l’Aiguille du Midi, 74400 Chamonix-Mont-Blanc ». Et bien évidemment, prendre un ticket pour monter au sommet du téléphérique !
- Le Mont Blanc culmine à 4810.02 mètres d’altitude, dans le massif du Mont Blanc en Haute-Savoie. Le Mont Blanc se situe sur deux pays, la France & Italie, mais le point culminant du sommet se situe en France. La première ascension du Mont Blanc a été faite par les Français Jacques Balmat et Michel Paccard le 08 août 1786. Cette ascension symbolise pour beaucoup de monde la naissance de l’alpinisme. La voie la plus simple pour gravir le Mont Blanc s’appelle « la voie normale depuis le refuge du Goûter ». Pour la voie des 3 Monts depuis la gare d’arrivée du téléphérique de l’Aiguille du Midi, la dénivelée totale positive est d’environ 1800 mètres pour une distance de 22 kilomètres. La pente maximale est de 55° d’inclinaison. La cotation globale est notée PD+.
Jour J : après avoir attendu pendant plusieurs jours une ouverture climatique, et après être revenu en vitesse 2 jours plus tôt de Chambéry à la maison pour me préparer au sommet, direction Chamonix un mercredi matin, à la fin du mois de Mai de l’année 2010, pour faire l’ascension du Mont Blanc. Réveil à 3h00 à Raclaz, un gros déjeuner avalé, et direction la Haute-Savoie. Nous récupérons notre ami guide Jean-Michel à Doucy pour un long et pénible trajet vers Chamonix. Je n’ai pas beaucoup dormi de la nuit et je suis très stressé. Je ne serai jamais monté aussi en haut en altitude de ma vie qu’aujourd’hui, et mon père également.
Je me sens prêt et je sais au fond de moi que nous avons fait le nécessaire pour réussir notre défi. Mais tout de même, nous nous attaquons au Mont Blanc, en une petite journée seulement ! Le défi est de taille… j’ai passé la nuit à évoquer tous les scénarios possibles de l’ascension et j’ai checké des dizaines de fois mon matériel pour voir si je n’avais rien oublié… Ce n’était pas l’idéal pour faire baisser le stress ! 2h30 minutes de route plus tard après avoir quitté Doucy et après avoir failli vomir dans les gorges de l’Arly, l’arrivée sur Chamonix est merveilleuse : le Mont Blanc domine de toute sa force la vallée, loin au-dessus de nos têtes ! Le Roi des Alpes nous surveille, comme aimait le répéter l’alpiniste Lionel Terray.
Il est 7h30, les premiers alpinistes qui ont dormi au refuge des Cosmiques se sont lancés depuis un bon moment déjà dans les premières pentes du sommet, alors que nous, nous sommes encore tout en bas de vallée. Nous achetons le forfait pour le téléphérique de l’Aiguille du Midi, mettons nos chaussures de ski de randonnée et embarquons dans la première benne, aux alentours de 8h00. Nous sommes peu nombreux, une dizaine de montagnards au maximum. Les visages sont tendus par le stress et l’excitation. En regardant le matériel des autres personnes, je comprends que nous serons seulement deux groupes, des Italiens et nous, à tenter de réussir l’ascension du Mont Blanc en une seule journée.
8 h 25 : nous arrivons au sommet de l’Aiguille du Midi vers 8h30. Le spectacle est impressionnant! Moi qui n’avais jamais pris le célèbre téléphérique de l’Aiguille du Midi (construit en 1954), je suis servi : la benne dans laquelle nous sommes vient littéralement s’engouffrer dans les rochers pour s’accrocher à la gare d’arrivée, à 3842 mètres d’altitude… en-dessous de nous, nous apercevons des centaines de mètres de pleins vide. Saisissant. Nous nous équipons dans la gare d’arrivée du téléphérique, nous prenons quelques photos et nous voilà partis pour une sacré belle aventure. Dehors, il fait grand beau. La météo est parfaite, il ne fait pas froid, le soleil brille fort et il n’y a pas de vent. La première étape est de descendre la fine arête de neige, vertigineuse et très impressionnante, en direction de l’Est. Prudence car chaque année des chutes mortelles se produisent sur ce passage assez technique.
Le tracé s’oriente ensuite vers le sud, passe sous les immenses parois de l’Aiguille du Midi, et rejoint le refuge des Cosmiques (altitude 3613 mètres), lieu de départ des ascensions de nuit. Il fait déjà très chaud malgré l’altitude. Après avoir chaussé nos skis de rando, direction le Col du Midi pour attaquer le Mont Blanc du Tacul par sa face Nord-Ouest. La chaleur sur la neige est écrasante. Nous enlevons des couches de vêtements, mettons les peaux sur nos skis et commençons à grimper le premier des 3 mont Blanc. Notre ami guide impose un agréable et bon rythme. Nous sommes très concentrés. Le paysage est impressionnant, des gigantesques séracs hauts comme des immeubles dominent la face. Après 1h30 minutes d’efforts, nous arrivons au sommet de l’épaule du Mont Blanc du Tacul, à environ 4000 mètres d’altitude. Pour la première fois de ma vie, je suis au-dessus de la fameuse barre des 4000 mètres. Je me sens bien, calme et reposé. Nous faisons une petite pause « thé et barres énergétiques »…
Mais rapidement, le combat continue. Nous redescendons légèrement par les pentes Sud du Tacul jusqu’à atteindre le Col du Mont Maudit. Nous traversons ensuite en direction de l’Ouest, sous une barre de séracs pour rejoindre la face Nord du Mont Maudit, qu’il faut remonter en direction de l’Epaule du Maudit, une petite dépression que l’on devine bien sur l’arête nord, défendue par une rimaye. La pente est vertigineuse. Nous mettons les skis sur nos sacs à dos, installons nos crampons aux pieds, le piolet dans la main ! Nous grimpons prudemment et calmement avec l’aide d’une corde fixe. J’ose regarder en dessous: la pente est très raide, il ne faut pas chuter ! Je ne suis pas à l’aise du tout… Mais une fois au col, je pousse un grand OUF de soulagement. Nous découvrons le dôme neigeux du Mont Blanc, absolument merveilleux. Nous avalons une barre énergétique, quelques gorgées d’eau, avant de nous attaquer à la partie finale du Mont Blanc ! Après le passage du col, il faut poursuivre en traversée sous les rochers. Puis suivre la crête. Nous dépassons le Col de la Brenva à 4303 mètres d’altitude (pour info il est possible de s’échapper ici par le Corridor et les Grands Mulets, si vous ne pouvez pas monter au sommet du Mont Blanc, que ce soit pour des raisons de santé et des raisons météorologiques).
5 minutes après avoir dépassé le Col de la Brenva, nous dépassons un alpiniste italien présent avec nous ce matin dans la benne du téléphérique, mal en point à cause du mal aigu des montagnes (pour l’instant, moi je n’ai pas mal à la tête et je ne suis pas essoufflé, je croise les doigts). Nous remontons le mur de la Côte, très raide sur la fin avant de rentrer dans les 350 derniers mètres nous séparant du sommet. Je me tourne régulièrement pour voir mon père et lui parler. Tout va bien, les voyants sont aux verts. Le sommet n’est plus très loin, je sers les dents. Nous y sommes presque !
14 h 45 : encore quelques mètres, quelques efforts et nous voici enfin au sommet du Mont Blanc, à 4810 mètres d’altitude, point culminant d’Europe Occidentale ! Une émotion immense nous saisit, je laisse couler quelques larmes de joie sur mon visage après des mois de préparation, des gros entraînements, une bonne acclimatation d’effectuée et beaucoup de stress sur ces derniers jours. Un rêve de toujours se réalise ! Nous sommes tous les 3 au sommet, admirant un paysage merveilleux et une vue fantastique. Des dizaines de pics tous plus beaux les uns que les autres sont en-dessous de nous. L’ascension s’est déroulée parfaitement, sans aucun problème technique ou physique. Nous ne souffrons pas du MAM, le seul petit problème est que j’ai très mal à mes yeux, malgré mes lunettes avec verres minéraux catégorie 4 (mais je ne suis pas étonné car j’ai toujours eu en montagne les yeux très fragiles). Nous restons 15 petites minutes au sommet, prenant des photos et nous félicitant de cette belle bambée. La vue sur tous les sommets de la vallée est saisissante. Je pense à ma mère, restée à la maison et surement très inquiète ! Elle serait très heureuse et très fier de nous savoir ici ! Je crois que mon père essaye de la joindre au téléphone… Il ne fait pas froid (-5 degrés) et le vent souffle faiblement. Le bonheur…
Malheureusement, le temps presse et l’heure tourne ! Nous devons retourner dans la vallée et rapidement. Nous enlevons les peaux de nos skis et nous nous lançons dans une longue et immense descente, par la face nord du Mont Blanc, direction l’intermédiaire du téléphérique de l’Aiguille du Midi pour prendre une benne et redescendre sur Chamonix.
La descente est fatigante, même si je suis très fier de skier la face NORD du plus haut sommet de France. Je ne me fais pas plaisir car mes skis ultra-light sont trop étroits au niveau du patin. Et car je suis trop exténué pour en profiter. Par contre mon père et Jean-Mi ont l’air de se régaler sur leurs skis malgré la haute altitude, tous deux étant d’excellents skieurs ! La pente est parfois très raide (45 degrés d’inclinaison sur certains passages), il faut faire attention et rester concentrés car la pression retombe souvent après avoir réussi un sommet. Et c’est à ce moment que les accidents arrivent… La face Nord du Mont Blanc est géante, nous passons entre d’immenses séracs et de profondes crevasses. Nous passons devant le refuge des Grands Mulets à 3051 mètres d’altitude, et je vois quelques alpinistes nous saluer de la main. Pour eux, le sommet du Mont Blanc ce sera pour demain ou pour dans deux jours. Je suis épuisé et très fatigué, vivement que tout cela se termine.
Quelques mètres plus bas mon père tombe à moitié dans une crevasse, jusqu’au bassin. Un pont de neige a cédé sous ses skis. Heureusement, nous sommes encordés, la chute aurait pu être plus grave ! Notre ami guide a eu un réflexe formidable en tirant rapidement la corde vers lui quand mon père a chuté, alors que moi, il faut bien l’avouer, je me dormais dessus. Nous accélérons le rythme pour ne pas louper la dernière descente du téléphérique ! Un dernier effort, un dernier virage et au loin, j’aperçois l’intermédiaire du téléphérique ! Nous avons réussi ! Mais pas de repos immédiat, nous déchaussons rapidement les skis pour s’installer dans la dernière benne de la journée du téléphérique. Ouf, nous dormirons chez nous ce soir ! Je n’aurai pas aimé bivouaquer ici, et j’aurai été incapable de redescendre à Chamonix les skis sur le dos.
Nous apprenons par un guide pendant la descente en benne qu’un gigantesque sérac s’est décroché sur le Mont Blanc du Tacul, 1h30 minutes après notre passage, déclenchant dans sa chute une grande avalanche dans un fracas terrible. Nous avons eu chaud ! Et heureusement, aucun alpiniste n’a été victime de cet événement. Nous arrivons quelques minutes plus tard au parking de Chamonix, très heureux et fatigué ! L’effort aura été très intense, les sensations et les émotions également. Je file à l’épicerie du coin chercher des chips et un soda (rires !), car j’ai un besoin urgent de sucre.
17 h 00 : l’aventure aura été merveilleuse. Nous avons réussi notre pari de réussir le Mont Blanc à ski et en un jour seulement. Nous avons très bien géré l’ascension. Nous sommes fiers de nous. Des images pleins la tête et des souvenirs gravés pour toujours dans mon cœur, nous rejoignons la voiture avant de retourner en Savoie. Jean-Mi notre guide a été génial, merci à lui ! J’ai hâte de raconter cette journée à ma maman, surement inquiète depuis très tôt ce matin, même si mon père l’a appelé rapidement du sommet.
La nuit suivante après le Mont Blanc, je n’arrive pas à dormir malgré l’effort de la journée… je suis trop excité et je n’arrive pas à me calmer pour réussir à dormir. Mon cœur bat à 95 pulsations minutes, à plus de 23h30 alors que je suis allongé dans mon lit… J’ai mis de longs jours à récupérer totalement de cette journée et ma saison de piste en athlétisme a tourné court !
Je me suis grillé physiquement au Mont Blanc mais cela en valait la peine. Aujourd’hui une chose est sûre : je veux désormais monter plus haut en altitude, encore et beaucoup plus haut ! Je pense au sommet du Kilimandjaro (alt 5895m) en Tanzanie, à la Cordillère des Andes en Amérique du Sud, je pense au massif de l’Himalaya et à ses sommets de + de 8000 mètres d’altitude… À ce moment-là, je me rends compte que l’aventure ne fait que commencer. À très vite et vivement la suite !